Cela faisait déjà deux mois qu’Assia et Franck avaient passé l’épreuve du carnet.
Comme l’avait pressenti la jeune femme, ils trouvèrent assez facilement, chacun de leur côté, les réponses aux questions préparées par maman Assata.
Ils avaient depuis le début décidé, de se marier à l’église et à la mosquée, d’honorer leurs deux croyances.
Ils avaient également convenu d’avoir chacun du temps libre avec leurs enfants pour leur enseigner les deux religions ; de célébrer toutes les fêtes religieuses, de laisser chaque enfant choisir une religion à partir de ses 16 ans puis de l’encourager à pratiquer celle sur laquelle il aurait porté son choix.
Tout était clair, équitable, respectueux des bases de chacun.
Maman Assata avait elle aussi respecté sa part du contrat. Quand elle eut la preuve qu’ils avaient abordé les questions les plus difficiles pour une union comme la leur, elle leur donna son go et ne protesta plus.
Elle avait fini par se dire que la volonté de Dieu se ferait dans tous les cas. Que si ces deux-là étaient destinés à être ensemble, ils le seraient. Alors autant ne pas ruiner sa relation avec sa fille unique pour quelque chose qu’elle ne pouvait pas contrôler.
Depuis quelques semaines donc, les familles Aké et Mangara organisaient le mariage de leurs enfants.
Comme les pourparlers et les négociations avec la mère de future mariée avaient pris du temps, presque 8 mois, les choses allaient plutôt vite.
Assia, confiante en l’avenir, n’avait jamais cessé de préparer son mariage. Les couleurs, le lieu, le traiteur… elle avait déjà une idée précise pour presque tout.
Le grand jour aurait donc lieu bien vite, dans à peine 8 semaines. Les deux futurs époux étaient extatiques. Pour la première depuis bien longtemps, ils étaient heureux et envisageaient l’avenir avec beaucoup plus de sérénité.
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En cette journée ensoleillée de samedi, Assia était en pleins essayages pour sa robe de mariée. Un jour qu’elle avait rêvé des milliers de fois dans son adolescence, un jour qui n’aurait pas pu être plus parfait pour elle.
Entourée de ses deux cousines les plus proches et de sa meilleure amie, elle passait en revue la dernière collection de Moussokô pour femmes voilées. De la dentelle au satin en passant par la soie, tout la faisait rêver et elle avait hâte de trouver LA robe.
Après 30 minutes dans le magasin pourtant, elle n’avait toujours pas fait son choix. Les tenues étaient toutes magnifiques mais aucune ne l’avait laissée bouche bée.
La déception prenait le pas sur son engouement du début quand la propriétaire du magasin vint la voir, tout sourire !
- Madame Mangara ! Vraiment la grâce d’Allah est sur vous !
Surprises, Assia et ses accompagnatrices la regardaient avec curiosité.
- Une de mes clientes vient de m’appeler. Elle va finalement se marier à l’étranger et elle préfère prendre sa robe sur place. Je pense que celle qu’elle avait réservée ici sera parfaite pour vous !
A peine avait-elle lancé la nouvelle qu’une des vendeuses arriva dans la pièce avec une robe en main. Couleur ivoire, faite de satin et décorée de perles et de motifs couleur nacre, elle était fluide et élégante.
Assia tomba amoureuse à l’instant où son regard se posa sur la tenue. Puis quand elle l’enfila, tout le monde s’accorda pour dire qu’elle lui allait comme un gant. Comme faite pour elle…
La jeune femme flottait sur un nuage. Ce grand pas de plus, cette chance tombée du ciel venait comme confirmer qu’elle suivait la bonne voie.
Elle était toujours en pleine euphorie, s’admirant dans le miroir en pied de la boutique quand son téléphone sonna. Massara, l’une de ses cousines, lui apporta l’appareil. C’était Franck.
- Bébé ! dit-elle avec excitation
Mais il ne répondit pas tout de suite. Seul un grand soupir accueillit la voix d’Assia.
- Franck ?
- Il faut qu’on parle Assia
- Qu’est-ce qu’il y a bébé ?
Sa voix était presque sans vie. On aurait dit que chaque mot lui prenait une tonne d’énergie.
- Franck, bébé, parle-moi…
- On est tous les deux AS…
Assia eut l’impression qu’on déversa un sac de glace sur elle. Le froid prit soudain possession de son corps et elle ne sut pas quoi dire.
- Je ne peux pas Assia… je ne sais plus… je ne peux pas prendre le risque de revivre ça…
- Franck, bébé s’il te plaît calme-toi. J’arrive, dis-moi où tu es !
Pendant qu’elle essayait de le calmer, de sortir de sa robe et d’aller le retrouver, les pensées se bousculaient dans sa tête.
Franck avait perdu deux de ses frères et sœurs à cause de la drépanocytose. C’est une blessure qui n’avait jamais vraiment cicatrisé et il en a voulu pendant longtemps à ses parents de les avoir mis dans cette situation.
C’était un manque de précaution dont il s’était promis de ne jamais faire preuve. Aussi, dès que maman Assata avait donné son accord, il avait insisté pour qu’ils fassent leur test d’électrophorèse de l’hémoglobine.
Il disait en rigolant qu’il était sûr qu’ils étaient compatibles mais qu’il voulait en avoir la preuve sur papier. Et aujourd’hui, voilà que leurs enfants avaient une chance sur trois de vivre une vie pénible à cause de cette maladie.
Comment allaient-ils se sortir de ce nouveau pétrin ?
Son fiancé et elle étaient gaga des enfants. Ils en parlaient et en rêvaient ensemble depuis des années.
Qu’allaient-ils faire ? Se marier quand même et ne pas avoir d’enfants ? Se séparer après tout ce qu’ils avaient enduré ?
Vivraient-ils vraiment heureux sans descendance ? Ou Franck serait-il ouvert à l’idée d’adopter ? Et elle-même, serait-elle ouverte à l’idée de ne jamais porter d’enfants ?
En démarrant sa voiture, Assia pensa, inquiète à en mourir : La différence de religions n’a pas suffi à nous séparer. La science réussira t-elle ?
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